Christine de Pizan, Le Livre du Duc des vrais amants (1405) Texte 2.


Christine de Pizan, Le Livre du Duc des vrais amants (1405)
Dans ce roman, la Dame est mariée mais désire voir son amant, qui la supplie. Elle écrit à Sibylle, la femme qui l’a élevée, pour qu’elle l’aide à cacher sa liaison. Mais Sibylle refuse et la met en garde contre les dangers de la fin’amor. Elle clôt sa lettre par une ballade1.

Dames d’honneur, veillez à votre renommée,
Par pitié, fuyez ce qui est contraire
À Bon Renom, de peur d’être blâmées.
Ne songez pas à nouer des amitiés
Qui vous exposeraient aux commentaires,
Feraient juger frivoles2 vos manières,
Et croire que vous agissez à la légère.
De ces méchantes langues il faut vous méfier. […]

D’un esprit acéré soyez donc armées
Contre ceux qui s’efforcent de soustraire
Votre honneur, et par qui diffamées
Êtes souvent sans cause, qui pour vous plaire
Contrefont3 les courtois. Je ne puis me taire
Car j’entends souvent vous blâmer4
Ceux dont vous vous entourez. Il faut vous en défaire,
De ces méchantes langues il faut vous méfier.

Christine de Pizan, Le Livre du Duc des vrais amants, 1405, trad. de l’ancien français Dominique Demartini et Didier Lechat, 2013 © Éditions Honoré Champion.

1. Pour mieux connaître le genre de la ballade.
2. Légères, inconstantes.
3. Imitent dans l’intention de tromper.
4. J’entends souvent que vous êtes blâmées par…


Objectif :


> Découvrir une critique féminine de la fin’amor.


Orientation pédagogique :


L’étude de ce poème de Christine de Pizan présente une triple finalité :


·               D’un point de vue formel, découvrir les caractéristiques de la ballade ;


·               D’un point de vue culturel, présenter une poétesse médiévale ;

.                 D’un point de vue argumentatif, étudier un poème engagé autour de la condition féminine dans le contexte de la fin’amor


Objectif :

> Découvrir une critique féminine de la fin’amor.

Orientation pédagogique :

L’étude de ce poème de Christine de Pizan présente une triple finalité :

·               D’un point de vue formel, découvrir les caractéristiques de la ballade ;

·               D’un point de vue culturel, présenter une poétesse médiévale ;

·               D’un point de vue argumentatif, étudier un poème engagé autour de la condition féminine dans le contexte de la fin’amor.

Entrer dans le texte

·               1. À qui Sibylle adresse-t-elle cette ballade ? Donnez deux réponses.

Sibylle s’adresse aux épouses en général, comme le montre l’apostrophe « Dames d’honneur » (v. 1) et l’utilisation du pronom pluriel « vous ». Mais cette ballade clôt une lettre à son ancienne maîtresse, la Dame du roman : implicitement, la ballade s’adresse donc spécifiquement à celle-ci.

2. Quelle valeur est présentée comme essentielle ? Relevez les mots qui la désignent.

L’honneur d’une Dame, sa renommée, semble être une valeur essentielle aux yeux de Sibylle. Elle est désignée de plusieurs façons : « renommée » (v. 1), l’allégorie « Bon Renom » (v. 3), « honneur » (v. 11).

·               Sibylle utilise également le champ lexical de la diffamation : « commentaires » (v. 5), « juger frivoles » (v. 6), la synecdoque « méchantes langues » (v. 8), « diffamées » (v. 11), « blâmer » (v. 14). L’opposition entre la renommée et la diffamation est donc au cœur de cette ballade.

GRAMMAIRE

                    Donnez la nature et la fonction du groupe « de peur d’être blâmées » (► v. 3).

Nature : groupe prépositionnel

Fonction : complément circonstanciel de but

·               B. À quel temps est le verbe ?

·               « être blâmées » est au présent du mode infinitif, à la voix passive.

4. De qui les Dames doivent-elles se méfier ?

Les Dames doivent se méfier des commérages de la cour qui peuvent être nuisibles à leur réputation : « de ces méchantes langues il faut vous méfier » (v. 8 et v. 16).

·               Ces manipulateurs sont décrits à travers trois propositions subordonnées relatives : « ceux qui s’efforcent de soustraire / votre honneur » (v. 11-12), « [ceux] par qui diffamées / êtes souvent sans cause » (v. 12-13) et « [ceux] qui pour vous plaire / contrefont les courtois » (v. 13-14).

·               Le portrait des méchantes langues accuse donc notamment les hommes eux-mêmes, qui trompent les femmes par leurs paroles séduisantes.

5. Comment qualifieriez-vous le ton employé par Sibylle ?

·               Sibylle est autoritaire, elle donne une leçon à la Dame à travers l’emploi d’une tonalité didactique. En effet, elle utilise de nombreux impératifs, qui ont valeur d’ordres : « veillez » (v. 1), « « fuyez » (v. 2) et « soyez » (v. 9).

·               Elle emploie également un impératif nié : « ne songez pas » (v. 4). Elle répète plusieurs fois la tournure impersonnelle « il faut », aux vers 8, 15 et 16 : cette ballade exprime donc à la fois des interdictions et des conseils.

6. Comment la forme de la ballade aide-t-elle à souligner le message du texte ?

La caractéristique principale de la ballade est la présence d’un refrain : il s’agit du dernier vers de chaque strophe. Dans cette ballade de Sibylle, le refrain est donc « de ces méchantes langues il faut vous méfier » (v. 8 et 16).

·               Cette forme poétique permet donc à son auteure de répéter son message, afin d’augmenter son efficacité : le refrain permet ainsi la répétition de la tournure impersonnelle « il faut », qui caractérise le conseil autoritaire de     Sibylle à la Dame.

·               En outre, la forme poétique lui permet de délivrer un message bref et argumenté. Enfin, il est intéressant de noter la présence de cette ballade à la fin de la lettre de Sibylle : on peut imaginer que la lettre est plus personnelle, tandis que la poésie permet de donner une portée plus universelle à son message, en s’adressant à toutes les « Dames d’honneur » (v. 1).




2 commentaires:

  1. Concernant le ton utilisé dans la ballade, oui il est autoritaire, didactique, mais aussi très moralisateur !!

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