Dénouement de Thérèse Raquin


Le dénouement

Thérèse Raquin

E x t r a i t d u c h a p i t r e X X X I I
( p . 2 6 4 , l . 7 1 , à p . 2 6 5 , l . 1 2 3 ) Édition Hachette

Intérêt du texte

·               Ce texte constitue l’explicit du roman ; la mort des personnages principaux lui donne un caractère exemplaire (caractéristique d’une fin) et moral ; l’intrigue est définitivement terminée et justice est faite.

·               Problématique : comment le suicide du couple est-il mis en scène ?

·               Annonce des axes :

·               1. Du projet de meurtre au suicide conjoint : la trajectoire finale du couple.

·               2. Une scène théâtralisée.

Quels éléments, dans les premières lignes, annoncent une rupture par rapport aux habitudes de Laurent et Thérèse ?

·               « Ce soir-là » (l. 75) (un autre connecteur temporel confirme la rupture : « À ce moment », l. 91) s’oppose à « Avant de coucher Mme Raquin, ils avaient l’habitude de » (l. 1).

·               À l’agitation qui règne habituellement dans l’appartement à l’heure du coucher s’oppose un moment de calme (l. 75 : « ils s’assirent un instant »).

Quel est le point de vue majoritairement utilisé ? Justifiez votre réponse par de relevés précis. Que nous permet-il d’apprendre ?

·               Nous connaissons leurs sentiments par le point de vue interne qui est omniprésent : « Il leur sembla » (l. 105), « Ils se sentirent » (l. 109), « ils éprouvèrent » (l. 110), « Ils comprenaient » (l. 97), « en retrouvant sa propre pensée » (l. 98).

·               Laurent et Thérèse portent un jugement très péjoratif, et ces marques de jugement très négatives expliquent cette volonté d’en finir:

·               Vocabulaire de l’horreur pour qualifier leurs impressions : « pitié et horreur » (l. 100), « écœurés » (l. 110) ;

·               Métaphore péjorative : « vie de boue » (l. 107) ; la boue est associée à ce qui est sale, y compris sur un plan moral ;

·               Adverbes intensifs : « Au souvenir du passé, ils se sentirent tellement las et écœurés d’eux-mêmes » (l. 109- 110).

Relevez plusieurs procédés d’expression différents qui montrent que, malgré la situation, Thérèse et Laurent ne font qu’un.

·               Tout le texte met en évidence l’union des époux:

·               Ils sont toujours désignés au pluriel et sujets des mêmes verbes Ils », « Thérèse et Laurent éclatèrent en sanglots ») ;

·               Les verbes pronominaux utilisés peuvent avoir un caractère réciproque (l. 93 : « Ils se regardèrent » ; l. 95 : « ils s’examinèrent ») ;

·               Des verbes et des adverbes insistent sur cette réciprocité (l. 99 : « mutuellement » ; l. 111 : « échangèrent ») ;

·               C’est encore renforcé par une figure de style : le chiasme (l. 93-95 : « Thérèse vit le flacon dans les mains de Laurent, et Laurent aperçut l’éclair blanc du couteau qui luisait entre les plis de la jupe de Thérèse »).

·               Cela montre que leurs projets et leurs comportements sont parfaitement similaires et réciproques. Ils demeurent unis jusque dans la mort : « la bouche […] sur le cou de son mari » (l. 116). Tous ces indices ne donnent aux personnages qu’une existence en tant que couple.

Quelle évolution dans les sentiments que se portent les deux époux montre l’extrait ? Appuyez-vous sur des citations précises.

·               Premier signe de l’évolution du couple qui était venu à se haïr, l’emploi du mot « complice » (l. 99).

·               Le pardon et la purification : « éclatèrent en sanglots » (l. 103), « Ils pleurèrent sans parler » (l. 106). C’est comme une carapace qui se fissure : « les brisa » (l. 104).

En quoi et pourquoi semblent-ils perdre un peu de leur caractère monstrueux à partir de la ligne 101 ?

·               En pleurant, ils retrouvent des sentiments : ce ne sont plus des monstres (l. 105 : « faibles comme des enfants »). Cela les amène à éprouver enfin des sentiments positifs quelque chose de doux et d’attendri s’éveillait dans leur poitrine ») qui aboutissent au pardon : « regard de remerciement » (l. 112).

·               L’idée de meurtre réciproque va finalement les libérer: (l. 108 : « s’ils étaient assez lâches pour vivre »).

·               Cette libération, c’est la mort, envisagée comme la fin des souffrances : « un besoin immense de repos, de néant » (l. 110-111) ; « trouvant enfin une consolation dans la mort » (l. 115)

Pourquoi peut-on dire que le double suicide équivaut, dans cette page, à un simulacre de mariage ?

·               L’échange du verre aux lignes 113-114 rappelle l’échange des alliances Thérèse prit le verre, le vida à moitié et le tendit à Laurent qui l’acheva d’un trait »), tandis que leur chute constitue un simulacre d’acte sexuel (l. 114 : « Ils tombèrent l’un sur l’autre » ; l. 116 : « La bouche de la jeune femme alla heurter […] sur le cou de son mari » ; l. 119 « tordus, vautrés »).

Montrez que les trois personnages semblent détenir un instinct presque animal, ce qui correspond à une vision naturaliste de l’homme.

·               Zola a prétendu avoir peint deux bêtes livrées à leur tempérament, et l’on voit, en effet, qu’ils ont une sorte de sixième sens presque animal qui les prévient du danger et leur fait faire « un mouvement instinctif » (l. 93).

·               Mme Raquin semble posséder le même instinct (l. 101 : « Madame Raquin, sentant que le dénouement était proche ») et n’échappe pas non plus à ce côté prédateur et monstrueux qui caractérise beaucoup de personnages zoliens (l. 122-123 : « ne pouvant se rassasier les yeux »).

Quelle métaphore filée est utilisée pour dire la mort de Thérèse  et Laurent ? Quels sens peut-on lui donner ?

·               Mort brutale, comme un jugement de Dieu (l. 115 : « foudroyés »), qu’annonçaient « l’éclair blanc du couteau » (l. 94) et « ce fut un éclair » (l. 114). Traditionnellement, la foudre est la manifestation de la puissance divine.

Quel détail rend explicite le lien entre ce double suicide et le crime commis ?

·               Le rappel du crime est inscrit dans la chair du meurtrier et réactivé au moment de sa propre mort, faisant apparaître clairement le lien entre le crime et le suicide « alla heurter sur le cou de son mari la cicatrice qu’avaient laissée les dents de Camille » (l. 117).

II. Une scène théâtralisée.

Quel rôle joue la présence de Mme Raquin ?

·               La statue du Commandeur dans Dom Juan

·               Ce rôle est joué par Mme Raquin, « roide et muette » (l. 122), dont l’immobilité évoque celle de la pierre ; comme la statue du Commandeur, image de Dieu, elle sait tout et voit tout : « les regardait avec des yeux fixes et aigus » (l. 102), « contempla » (l. 122), « regards lourds » (l. 123).

De quelle manière, au début du texte, un climat inquiétant est-il créé ?

·               Un climat inquiétant : « sensation étrange » (l. 91), « danger » (l. 92). Le texte insiste sur ce point : c’est une scène muette, pour la vieille Mme Raquin, « roide et muette » (l. 122), et par terreur pour les époux (l. 96 : « muets et froids » ; l. 107 : « sans parler »). Ce silence ajoute à l’étrangeté et à l’intensité dramatique de la scène.

Relevez les indications temporelles. Quel est leur rôle ? Comparez l’écoulement du temps avant et après la mort des époux ?

·               « À ce moment » (l. 91), « pendant quelques secondes » (l. 96), « proche » (l. 101) « Et brusquement » (l. 103), « Alors » (l. 109), « un dernier regard » (l. 111), « enfin » (l. 115), « toute la nuit » (l. 128)

·               Tous ces indicateurs temporels rythment le texte et accroissent la tension dramatique.

·               Au début du texte, les actions s’enchaînent de manière mécanique, tandis qu’à la fin le temps semble se dilater. « Pendant près de onze heures, jusqu’au lendemain vers midi » (l. 120-121).

Relevez des indices qui montrent que Zola a voulu écrire une scène paroxystique.

·               On peut lire explicitement les indices qui montrent une scène extrême avec « une crise suprême » (l. 104) et l’adverbe d’intensité « tellement » (l. 109).

Quels éléments du texte rappellent des pièces de théâtre célèbres : tragédies, œuvres de Shakespeare ou de Molière ?

·               La tragédie antique

·               Zola y fait souvent référence dans son œuvre (la fatalité ou des comportements monstrueux). Ici, l’expression « ils se firent pitié et horreur » (l. 100) est celle exactement utilisée par Aristote dans la Poétique pour évoquer l’effet que le spectacle tragique doit provoquer sur les spectateurs.

·               La fin de Roméo et Juliette de Shakespeare

·               Ces objets – le « flacon » (l. 84), « la carafe » (l. 81, 85 et 93) et le « verre » (l. 72, 83, 85 et 113 ; l. 112 : « le verre de poison »), d’une part, et « le couteau » (l. 88 et 112) mis en valeur par son reflet menaçant (l. 94 : « l’éclair blanc »), d’autre part – sont exactement les mêmes que ceux que Roméo et Juliette utilisent pour se suicider : croyant Juliette morte, Roméo avale une flacon de poison. Juliette, se réveillant et voyant Roméo mort, se poignarde avec l’épée de son bien-aimé. Comme ici (l. 115 : « Ils tombèrent l’un sur l’autre »).

Montrez l’importance de la gestuelle.

·               La gestuelle et l’expression du corps : « en frissonnant » (l. 79) ; « fit tourner la tête » (l. 92) ; « éclatèrent en sanglots » (l. 103) ; « les jeta dans les bras l’un de l’autre » (l. 104) ; « Ils pleurèrent » (l. 106) ; « Thérèse prit le verre, le vida à moitié et le tendit à Laurent qui l’acheva d’un trait » (l. 114). Les notations sont extrêmement précises : « Ils tombèrent l’un sur l’autre » (l. 115).

·               – L’expression des visages : « les yeux vagues, les lèvres pâles » (l. 76) ; « Chacun d’eux resta glacé » (l. 98) ; « leur visage bouleversé » (l. 11).

Comment fonctionnent les jeux de regards ? Quel est leur sens ?

·               Le jeu des regards qui est double. Laurent et Thérèse se regardent : « ils se regardèrent » (l. 93) ; « Thérèse vit le flacon » (l. 93) ; « aperçut » (l. 94) ; « Ils s’examinèrent » (l. 95) ; « Ils échangèrent un dernier regard, un regard de remerciement » (l. 111- 112).

Pourquoi le regard de Mme Raquin est-il particulièrement important ?

·               Le sens de regard de Mme Raquin est particulièrement important. Regarder est non seulement une façon de percevoir la réalité mais aussi de s’exprimer (l. 102 : « Madame Raquin […] les regardait avec des yeux fixes et aigus »), et notamment de juger (l. 122-123 : « les contempla […] ne pouvant se rassasier les yeux, les écrasant de regards lourds »).

Trouvez une autre indication qui pourrait, au théâtre, prendre place dans une didascalie. Quelle atmosphère est ainsi créée ?

·               L’éclairage est même précisé, ajoutant à l’atmosphère inquiétante : « éclairés de lueurs jaunâtres par les clartés de la lampe que l’abat-jour jetait sur eux » (l. 120).

·               Cette indication fonctionne comme de didascalies qui rendraient aisée la mise en scène de cet explicit.

Conclusion

·               Un explicit qui ferme le roman définitivement par la mort des personnages.

·               Une démonstration naturaliste : on n’échappe pas à l’instinct sexuel ou/et mortifère.

·               Mise en scène théâtrale de cette scène.

Les mouvements littéraires

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