Texte 3 : Le dilemme
Pyrrhus a rappelé à
Andromaque le choix qu’il lui impose : soit elle l’épouse, soit il livrera
Astyanax aux Grecs. Andromaque fait part de sa décision à Céphise.
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Texte écho : Jean Racine, Andromaque (1667)
Dans l’acte IV, Hermione a demandé
à Oreste de la venger en assassinant Pyrrhus. Dans ce monologue de l'acte V,
elle est tentée néanmoins de revenir sur sa décision.
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ANDROMAQUE. – Non, je ne serai point complice de ses crimes ;
Qu’il nous prenne, s’il veut, pour dernières victimes. Tous mes ressentiments lui seraient asservis1. CÉPHISE. – Hé bien ! allons donc voir expirer2 votre fils ; On n’attend plus que vous. Vous frémissez, Madame ! ANDROMAQUE. – Ah ! de quel souvenir viens-tu frapper mon âme ! Quoi ? Céphise, j’irai voir expirer encor Ce fils, ma seule joie, et l’image d’Hector : Ce fils, que de sa flamme3 il me laissa pour gage ! Hélas ! je m’en souviens, le jour que son courage Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas4, Il demanda son fils, et le prit dans ses bras : « Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes, J’ignore quel succès le sort garde à mes armes5 ;
Je te laisse mon fils pour gage de ma foi :
S’il me perd, je prétends qu’il me retrouve en toi. Si d’un heureux hymen6 la mémoire t’est chère, Montre au fils à quel point tu chérissais le père. » Et je puis voir répandre un sang si précieux ? Et je laisse avec lui périr tous ses aïeux ? Roi barbare, faut-il que mon crime l’entraîne7 ? Si je te hais, est-il coupable de ma haine ? T’a-t-il de tous les siens reproché le trépas ? S’est-il plaint à tes yeux des maux qu’il ne sent pas ? Mais cependant, mon fils, tu meurs, si je n’arrête Le fer8 que le cruel tient levé sur ta tête. Je l’en puis détourner, et je t’y vais offrir ? Non, tu ne mourras point : je ne le puis souffrir9.
Jean Racine, Andromaque, acte III, scène 8,
1667.
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HERMIONE, seule – Où suis-je ?
Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?
Quel transport1 me saisit ? Quel chagrin me dévore ? Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais. Ah ! ne puis-je savoir si j’aime, ou si je hais ? Le cruel ! de quel œil il m’a congédiée ! Sans pitié, sans douleur, au moins étudiée. L’ai-je vu se troubler et me plaindre un moment ? En ai-je pu tirer un seul gémissement ? Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes, Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes ? Et je le plains encore ? Et pour comble d’ennui, Mon cœur, mon lâche cœur s’intéresse2 pour lui ? Je tremble au seul penser du coup qui le menace ? Et prête à me venger, je lui fais déjà grâce ? Non, ne révoquons point l’arrêt3 de mon courroux4 : Qu’il périsse ! Aussi bien il ne vit plus pour nous.
Jean Racine, Andromaque, acte V, scène 1,
1667.
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1. Destinés.
2. Mourir.
3. Son amour.
4. La mort.
5. J’ignore si le destin me fera
gagner ce combat.
6. Mariage.
7. L’entraîne dans la mort.
8. L’épée.
9. Supporter.
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1. Émotion.
2. Prend sa défense.
3. La décision.
4. Colère.
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Le titre de
cette étude : Le dilemme.
Objectifs :
1.
Percevoir le dilemme tragique et étudier la délibération (Stratégie argumentative que l’auteur ou le personnage utilise
en pesant le pour et le contre pour prendre une décision)
2.
Texte principal : Il nous permet de travailler sur un système de communication
complexe, notamment sur la prosopopée.
3.
Texte écho : Il
montre un exemple de monologue délibératif.
Q1 :
Quelle décision Andromaque exprime-t-elle au début de l’extrait ? Et à la
fin ?
1.
Au début, Andromaque Explique qu’elle refuse d’épouser Pyrrhus
malgré les menaces. Sa réplique commence par l’adverbe de négation « non ». Elle utilise ensuite « complice », « crimes »
et « victimes ». Elle fait donc de
Pyrrhus un criminel et se positionne comme victime avec son fils.
2.
A la fin de l’extrait, Andromaque a pris une nouvelle
décision : épouser Pyrrhus pour protéger son fils. Elle conclut avec le
même adverbe de négation « non » mais
cette fois pour exprimer la décision contraire « Tu
ne mourras point ».
Q2 : Quel est le ton de la réplique de Céphise ?
La
réplique de Céphise est ironique : Céphise utilise l’impératif « allons » comme si Andromaque allait être témoin
de la mort de son fils.
Le
dernier vers de Céphise présente la mort d’Astyanax comme un spectacle, pour
lequel on a besoin de spectateurs.
Q3 : Quel est l’effet produit sur Andromaque ?
1. La
réplique de Céphise est révélatrice/ violente/ pour Andromaque.
2. Elle
se trouve confrontée à l’idée de la mort de son fils.
3. La
rime entre « encor » et « Hector » symbolise la peur
d’Andromaque de voir l’histoire se répéter et son mari mourir une seconde à
travers son fils.
Q4. A qui Andromaque s’adresse-t-elle
successivement ?
Andromaque s’adresse successivement à :
-
Céphise : l’apostrophe «
Céphise »
-
Pyrrhus : apostrophe « Roi
barbare »
-
Astyanax : l’apostrophe « mon
fils »
Q5 : Quels indices témoignent de l’émotion d’Andromaque ?
1.
Des interjections :
« Ah ! », « Quoi ? », « Hélas ! »
2.
Des phrases exclamatives : de
quel souvenir viens-tu frapper mon âme !
3.
Des interrogatives : …………
4.
Des répétitions : « ce fils » répété en
anaphore.
Q6 : Comment sont rapportées les paroles d’Hector ?
Les
paroles d’Hector sont rapportées de
façon directe : elles sont entre des guillemets et introduites par « dit-il ». Elle fait parler un mort : c’est
ce qu’on appelle une « prosopopée ».
Q7 : A votre avis, pourquoi Andromaque utilise-t-elle ce
procédé ?
-
Pour le rendre plus présent
-
Pour rendre son discours plus touchant
-
Montrer qu’elle ne l’a pas oublié
-
Justifier pourquoi elle doit rester fidèle à
la promesse d’Hector.
Grammaire :
Q8 : Relevez les pronoms des vers 15-16 et classez-les selon
leurs fonctions.
Je te laisse mon
fils pour gage de ma foi :
S’il me perd, je prétends
qu’il me retrouve
en toi.
A faire
Q9 : Comment
Andromaque justifie-t-elle le choix de ne pas sacrifier son fils ?
A travers plusieurs
arguments :
-
Tout d’abord, Astyanax représente la mémoire de son
mariage avec Hector. Elle utilise la périphrase « un sang si
précieux » qui désigne la lignée d’Hector et des troyens.
-
Elle développe ensuite le thème de l’innocence de son
fils à travers les questions rhétoriques…
-
Elle montre également qu’elle est la principale
coupable à travers les déterminants possessifs : « mon crime »,
« ma haine »…. A mettre les N° de vers.
-
Le dernier argument énoncé par Andromaque : La
possibilité de sauver son fils.
Hermione : texte écho
Q10 : A qui s’adresse Hermione ?
Hermione s’adresse à
elle-même : il s’agit d’un monologue dans lequel elle s’interroge sur ses
actions.
Q11 : Aime-t-elle
encore Pyrrhus ?
Hermione se demande si elle aime
encore Pyrrhus : « ah ! Ne puis-je savoir si j’aime ou si je
hais ? »
Hermione conclut que Pyrrhus ne
l’aime pas. On peut en conclure qu’Hermione aime toujours Pyrrhus mais elle met
à distance cet amour…….
Q12 : A quel dilemme
est-elle confrontée ?
Le dilemme se révèle à la fin de son
monologue, dans les quatre derniers vers : Après avoir ordonné à Oreste de
tuer Pyrrhus, elle hésite à revenir sur son choix.
Les deux
derniers vers mettent fin au dilemme. Après les nombreuses phrases
interrogatives, Hermione utilise le type injonctif : « ne révoquons point », et le subjonctif dans la
proposition principale qui exprime le désir « Qu’il
périsse ».
Vers le commentaire :
Problématique : Comment l’échange de paroles fait-il avancer
l’intrigue ?
Introduction :
Présentation Au cœur d’un dilemme entre son refus d’épouser Pyrrhus
et son désir de sauver Astyanax, Andromaque s’appuie sur une longue tirade pour
faire part de ses interrogations et faire apparaître sa prise de décision. Mais
elle n’est pas seule : l’intervention de sa confidente, Céphise, mais
aussi les échanges indirects avec des personnages morts ou absents, l’aident à
prendre une décision finale. Rappel
de la problématique Nous cherchons donc à savoir comment l’échange fait avancer l’intrigue. Annonce du plan Tout d’abord,
l’échange direct permet une remise en question de la question initiale, mais
les échanges indirects forment un plongeoir pour sa prise de décision finale.
I.
L’échange
direct : La remise en question de la décision initiale.
A.
L’ironie
de Céphise
Au
début de l’extr
ait,
Andromaque annonce qu’elle a décidé de ne pas épouser Pyrrhus, qu’elle le
considère comme un criminel et se présente, avec son fils, comme des victimes.
Sa confidente, Céphise, lui répond par une antiphrase (en
faisant preuve d’ironie) : Elle propose
à sa maîtresse d’aller assister à la mort de son fils. Elle commence sa
réplique par une interjection « Eh bien ! », suivie par l’impératif « Allons » montrant une forme de domination : c’est elle
qui propose à sa maîtresse. La proposition « on
n’attend plus que vous »
fait de la mort d’Astyanax une sorte de spectacle pour lequel on a besoin de
spectateurs. Par cette réplique, Céphise semble choquer sa maîtresse en lui
présentant la réalité de la mort de son fils qui résultera de sa décision.
B. Lamentation d’Andromaque
Cette
réplique a beaucoup d’effet sur Andromaque. Cela nous est indiqué par la
didascalie interne à la réplique de Céphise : « Vous
frémissez, Madame ! ». Elle semble
très frappée : Les interjections « Ah ! », « Hélas ! », ainsi que les phrases exclamatives et
interrogatives montrent son émotion. L’évocation de la mort
d’Astyanax lui évoque immédiatement un autre « souvenir », celui de la mort d’Hector, puisque son fils est
« l’image d’Hector ». Le nom de son mari « Hector » rime avec l’adverbe « encor » au vers
suivant : La mort d’Astyanax serait donc une répétition de la mort de son
mari lors de la guerre de Troie. L’émotion provoquée par Céphise conduit donc
Andromaque à remettre en question sa décision initiale.
II.
Les
échanges indirects : Un plongeoir pour la prise des décisions.
A. La prosopopée : Un moyen de
faire parler les morts.
L’intervention de Céphise laisse place à
une longue tirade d’Andromaque : elle met en place un système de
communication complexe faisant intervenir d’autres personnages, morts ou
absents. Elle fait ainsi d’abord intervenir Hector dans une prosopopée qui
accentue le caractère touchant de la scène car elle a convoqué les derniers
mots prononcés par Hector. Les paroles d’Hector sont rapportées du discours
direct : elles sont encadrées par des guillemets et introduites par
« dit-il ».
Le discours direct montre l’amour qui unit le héros à sa femme : Il
s’adresse à elle par une apostrophe tendre « chère
épouse » et évoque leur
mariage par un « heureux hymen ». Leur amour est également présenté comme réciproque…
Cette
prosopopée remplit donc une double fonction : elle rappelle l’amour qui
unit Andromaque à son mari et présente Astyanax comme le fruit de cet amour.
Elle permet donc d’illustrer l’impossibilité de la mort d’Astyanax si
Andromaque souhaite rester fidèle aux vœux de son époux.
B.
Les apostrophes : Un moyen de faire
parler les absents.
A
la fin de sa tirade, Andromaque s’adresse à des personnages absents. Après
avoir convoqué le souvenir d’Hector, elle semble créer des dialogues fictifs
avec d’autres personnages. Ainsi, elle s’adresse dans un premier temps à Pyrrhus par l’apostrophe « roi
barbare » et les pronoms
personnels. Elle s’adresse à lui à travers des questions rhétoriques comme si
Pyrrhus était présent : « t’a-t-il de tous les siens
reprochés le trépas ? ».
Dans
les derniers vers de la tirade, Andromaque change à nouveau d’interlocuteur et
s’adresse à Astyanax à travers l’apostrophe « mon fils ». ce dernier
dialogue fictif aboutit à la prise de décision finale d’Andromaque par
l’adverbe de négation « non »
et la forme négative « tu ne mourras point » qui fait écho à la négation
initiale de l’extrait.
Conclusion :
La
mise en place d’un système de communication complexe permet donc le
développement du dilemme d’Andromaque, qui passe d’une décision initiale à une
décision finale à travers un dialogue réel avec Céphise, un dialogue passé avec
Hector et deux dialogues fictifs avec Pyrrhus et Astyanax.