Problématique:
Texte 1
ARTHÉNICE. – Nous voici chargées du plus grand intérêt que notre sexe1 ait jamais eu, et cela dans la conjecture2 du monde la plus favorable pour discuter notre droit vis-à-vis des hommes. [...]
[...]
ARTHÉNICE. – Eh ! dites-moi, Timagène, où allez-vous tous deux d’un air si pensif ?
TIMAGÈNE. – Au Conseil, où l’on nous appelle, et où la noblesse et tous les notables d’une part, et le peuple de l’autre, nous menacent, cet honnête homme et moi, de nous nommer pour travailler aux lois, et j’avoue que mon incapacité me fait déjà trembler.
MADAME SORBIN. – Quoi, mon mari, vous allez faire des lois ?
MONSIEUR SORBIN. – Hélas, c’est ce qui se publie, et ce qui me donne un grand souci.
MADAME SORBIN. – Pourquoi, monsieur Sorbin ? Quoique vous soyez massif et d’un naturel un peu lourd, je vous ai toujours connu un très bon gros jugement qui viendra fort bien dans cette affaire-ci ; et puis je me persuade que ces messieurs auront le bon esprit de demander des femmes pour les assister, comme de raison.
MONSIEUR SORBIN. – Ah ! tais-toi avec tes femmes, il est bien question de rire !
MADAME SORBIN. – Mais vraiment, je ne ris pas.
MADAME SORBIN. – Pardi, Monsieur Sorbin, vous êtes un petit élu du peuple bien impoli ; mais par bonheur, cela se passera avec une ordonnance3, je dresserai des lois aussi, moi.
MONSIEUR SORBIN, rit. – Toi ! hé hé hé hé.
TIMAGÈNE, riant. – Hé hé hé hé…
ARTHÈNICE. – Qu’y a-t-il donc là de si plaisant ? Elle a raison, elle en fera, j’en ferai moi-même.
TIMAGÈNE. – Vous, Madame ?
MONSIEUR SORBIN, riant. – Des lois !
ARTHÈNICE. – Assurément.
MONSIEUR SORBIN, riant. – Ah bien, tant mieux, faites, amusez-vous, jouez une farce ; mais gardez-nous votre drôlerie pour une autre fois, cela est trop bouffon pour le temps qui court.
Q4. Le sentiment qu’ils expriment est-il sincère selon vous ?
Manifestement, Il s’agit d’un sentiment sincère puisqu’Arthénice observe chez Timagène et Monsieur Sorbin « un air si pensif ». Toutefois, cela reste à nuancer en fonction du portrait de chaque personnage. Timagène réagit en miroir à l’attitude de M Sorbin et ne semble guère apte à saisir les enjeux de la situation. Après cet extrait, Rappelons que Timagène est plus occupé à séduire Arthénice qu’à penser aux lois.
Q5. En quoi la deuxième réplique de Madame Sorbin est-elle comique ?
Madame Sorbin fait de son mari un portrait caricatural en toute inconscience. En voulant flatter l’artisant « un très bon gros jugement » sur son bon sens, et ce malgré son manque de finesse « un naturel un peu lourd », Madame Sorbin ridiculise son mari et le réduit à n’être qu’un personnage plein de lourdeur : « gros » et « lourd » sont utilisés dans la même phrase. Le Franc-parler de Madame Sorbin participe ainsi au comique de l’extrait.
Q6. Quelles autres formes de comique identifiez-vous dans cet extrait ?
Outre le comique de caractère marqué notamment par Madame Sorbin, c’est la situation elle-même qui fait rire le public. Marivaux use ainsi du comique de situation en opposant M. Sorbin et Timagène, qui ne veulent pas participer à l’élaboration des lois, aux femmes qui ne peuvent pas y participer : dans les deux cas, les hommes et les femmes sont contraints en protestent. Ces échanges sont par ailleurs rythmés par les rires « hé hé hé hé », les didascalies « rit » et « riant ».
On peut aussi parler de comique des mots, notamment avec Madame Sorbin qui utilise le champ lexical de la lourdeur en parlant à son mari, ou bien lorsqu’elle le qualifie de « petit élu du peuple bien impoli »
Q7. Qui rit dans cette scène ?
- Le rire provient des hommes : c’est indiqué dans les didascalies ……
Q8. En quoi ce rire peut-il être perçu comme humiliant ?
Les deux femmes ne sont pas prises au sérieux mais elles sont déconsidérées. Monsieur Sorbin les range du côté de la farce et de la bouffonnerie, leur ôtant toute crédibilité, tout statut autre que celui d’amuser : «amusez-vous, jouez une farce ; mais gardez-nous votre drôlerie pour une autre fois, cela est trop bouffon pour le temps qui court. »
Q9. Quel type de phrase est employé ?
- Monsieur Sorbin. – Tu deviens donc folle ?
Il s’agit d’une phrase interrogative sans inversion sujet-verbe.
Q10. De quel type cette phrase relève-t-elle implicitement ?
On peut l’interpréter comme une phrase déclarative, une affirmation de la folie de Madame Sorbin : insulte qui participe à l’humiliation de la femme.
Q11.n Quelle image a –t-on des femmes à la lecture de cet extrait ?
Dans cet extrait, les femmes sortent de leur réserve. Elles se montrent résistantes en ne cédant pas aux attaques des hommes et décident de prendre la vie politique en main à côté d’eux.
II. Leçon de grammaire : Les types de phrases
Il existe trois types de phrases fondamentaux, non combinable entre eux : Les type déclaratif, interrogatif et injonctif.
Le type exclamatif est facultatif : il peut s’ajouter à chacun des trois types fondamentaux.
1. Le type déclaratif :
- Elle arrive.
- La phrase déclarative permet la transmission d’une information.
Une interrogation indirecte correspond à une phrase déclarative : je me demande s’il travaille.
2. Le type injonctif
La phrase injonctive exprime un ordre, une interdiction, un conseil ou une prière.
Le mode utilisé est souvent l’impératif mais on trouve aussi :
- L’indicatif : vous ferez l’exercice chez vous.
- Le subjonctif : Qu’il se taise !
- L’infinitif : ne pas fumer.
- Phrase non verbale : chut !
3. Interrogatif
Exprime une demande d’information, se termine par un point d’interrogation et se construit différemment selon le niveau de langue :
-Vient-elle ce soir ? (soutenu)
- Est-ce qu’elle vient ce soir ? (courant)
- Elle vient ce soir ? (oral/ familier)
L’interrogation est totale quand la réponse est de type (oui, si ou non)
Elle est partielle quand elle appelle une autre réponse et ne porte pas sur la totalité de l’action.
- Certaines questions n’appellent pas de réponse. Ces questions rhétoriques servent à exprimer indirectement un autre type de phrase.
Le type exclamatif s’ajoute à l’un des trois types fondamentaux, pour exprimer une émotion.
La phrase se termine toujours par un point d’exclamation qui peut remplacer le point ou le point d’interrogation.
- Elle vient ce soir ! (déclaratif+ exclamatif)
- Entre ! (injonctif+ exclamatif)
- Elle vient ce soir ?! (interrogatif+ exclamatif)
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Vers le commentaire :
En quoi cette scène est-elle plaisante et instructive ?
Il s’agit dans une première partie d’envisager les différents types de comique (questions 2, 3,4) : Le comique de situation, le comique de caractère, le comique de mots, pour montrer dans une deuxième partie que le rire n’est pas gratuit : le rire invite le lecteur/ spectateur à réfléchir sur la cruauté des hommes (questions 5 et 6) et la volonté des femmes de se libérer (questions 7 et8).