Texte 4: Passer à l'action



Texte 4 : Passer à l’action


Après l’ultimatum imposé par Pyrrhus, Andromaque a pris la décision de l’épouser. Elle demande alors à voir son fils, Astyanax.

Texte écho : Jean Racine, Andromaque (1667)

À l’acte IV, Hermione a appris que Pyrrhus allait épouser Andromaque. Elle demande à Oreste de la venger. Celui-ci lui propose de lancer une guerre contre Pyrrhus.
ANDROMAQUE. – Céphise, allons le voir pour la dernière fois.
CÉPHISE. – Que dites-vous ? ô Dieux !
ANDROMAQUE. – Ô ma chère Céphise,
Ce n’est point avec toi que mon cœur se déguise,
Ta foi, dans mon malheur, s’est montrée à mes yeux ;
Mais j’ai cru qu’à mon tour tu me connaissais mieux.
Quoi donc ? as-tu pensé qu’Andromaque infidèle
Pût trahir un époux qui croit revivre en elle 
;
Et que de tant de morts réveillant la douleur,
Le soin de mon repos me fît troubler le leur1 ?
Est-ce là cette ardeur tant promise à sa cendre ?
Mais son fils périssait : il l’a fallu défendre.
Pyrrhus en m’épousant s’en déclare l’appui ;
Il suffit : je veux bien m’en reposer sur lui.
Je sais quel est Pyrrhus. Violent, mais sincère,
Céphise, il fera plus qu’il n’a promis de faire.
Sur le courroux2 des Grecs je m’en repose encor :
Leur haine va donner un père au fils d’Hector.
Je vais donc, puisqu’il faut que je me sacrifie,
Assurer à Pyrrhus le reste de ma vie ;
Je vais,
en recevant sa foi sur les autels,
L’engager à mon fils par des nœuds immortels3.
Mais aussitôt ma main, à moi seule funeste4,
D’une infidèle vie abrégera le reste,

Et sauvant ma vertu, rendra ce que je doi
À Pyrrhus, à mon fils, à mon époux, à moi.
Voilà de mon amour l’innocent stratagème ;
Voilà ce qu’un époux m’a commandé lui-même.
J’irai seule rejoindre Hector et mes aïeux5.
Jean Racine, Andromaque, acte IV, scène 1, 1667.

HERMIONE. – Quoi ! de mes ennemis couronnant l’insolence,
J’irais attendre ailleurs une lente vengeance ?
Et je m’en remettrais au destin des combats,
Qui peut-être à la fin ne me vengerait pas ?
Je veux qu’à mon départ toute l’Épire1 pleure.
Mais si vous me vengez, vengez-moi dans une heure,
Tous vos retardements sont pour moi des refus,
Courez au temple. Il faut immoler2
ORESTE. – Qui ?
HERMIONE. – Pyrrhus.
ORESTE. – Pyrrhus, Madame ?
HERMIONE. – Hé quoi ? votre haine chancelle ?
Ah ! courez, et craignez que je ne vous rappelle.
N’alléguez3 point des droits que je veux oublier ;
Et ce n’est pas à vous à le justifier.
Jean Racine, Andromaque, acte IV, scène 3, 1667.

1. Andromaque explique qu'elle ne peut pas, pour assurer sa sécurité, se marier avec Pyrrhus car elle trahirait la mémoire des Troyens morts pendant la guerre.
2. Colère.
3. Ici : le mariage.
4. Qui cause la mort.
5. Ancêtres.
1. Il s’agit de la région dans laquelle se passe la pièce.
2. Sacrifier.
3. Ne mettez pas en avant.




Analyse de texte : Passer à l’action
Objectif :
-          Analyser la dimension héroïque des personnages
-          Comparer les deux décisions des deux héroïnes tragiques face à la complexité de leur situation.
-          Comparer une héroïne vertueuse et une héroïne vengeresse : façon de s’adresser aux personnages, type d’action choisie et leurs conséquences.  
Q1 : Ce qu’Andromaque annonce :
Elle compte épouser Pyrrhus pour sauver son fils, puis se suicider pour rester fidèle à son époux Hector. Elle déclare «  Pyrrhus en m’épousant s’en déclare l’appui » où « en » désigne Astyanax. Elle prévoit d’épouser Pyrrhus «  l’engager à mon fils par des nœuds immortels » puis se suicider «  Mais aussitôt ma main, à moi seule funeste/ d’une infidèle vie abrégera le reste ».

Q2 : Que reproche Andromaque à Céphise ?
Andromaque reproche à Céphise d’avoir cru qu’elle trahirait Hector et les troyens. Elle introduit son reproche en remettant en cause leur proximité : «  J’ai cru qu’à mon tour tu me connaissais mieux », puis à travers une phrase interrogative, elle lui reproche d’avoir pensé qu’elle trahirait Hector : «  As-tu pensé qu’Andromaque infidèle/ pût trahir un époux qui croit revivre en elle ? »
Le groupe nominal : « Andromaque infidèle » peut être lu comme un oxymore.
L’interjection « quoi donc ? » montre sa surprise.
Andromaque lui reproche également d’avoir pensé qu’elle trahirait l’ensemble des troyens morts pendant la guerre : « De tant de morts réveillant la douleur ».
Q3 : Comment Andromaque justifie-t-elle sa décision ?
-          Andromaque justifie sa décision par la notion de devoir : « ma main rendra ce que je doi/ à Pyrrhus, à mon fils, à mon époux, à moi »
-          L’énumération des personnages montre la complexité de la situation d’Andromaque. Elle doit le mariage à Pyrrhus en échange de la protection de son fils, et elle doit rester fidèle à son époux, Hector, et aux troyens morts pendant la guerre.
Q4. Quel portrait Andromaque fait-elle de Pyrrhus ?
Andromaque nous présente un portrait nuancé «  violent mais sincère » : Une proposition composée de deux adjectifs opposés «  violent », « sincère » et en même temps deux arguments 1 «  il est violent » et 2 «  il est sincère ». Une analyse argumentative montre que l’argument 2 est plus fort que celui qui précède le connecteur « mais »
Elle décrit également sa générosité «  il fera plus qu’il n’a promis à faire ».
Malgré le chantage de Pyrrhus, Andromaque lui reconnaît donc plusieurs qualités qui lui permettent de lui confier le destin de son fils.
Q5. Quelles figures de style utilise-t-elle pour annoncer son suicide ?
Andromaque annonce son suicide aux vers « Mais aussitôt ma main, à moi seule funeste/ d’une infidèle vie abrégera le reste. » Elle utilise une synecdoque qui fait de sa main la responsable de sa mort.
L’annonce de son suicide est atténué par l’emploi de plusieurs figures d’atténuation comme l’euphémisme dans les vers : « puisqu’il faut que je me sacrifie », « J’irai seule rejoindre Hector et mes aïeux ».
Elle n’utilise pas directement de verbe lié à la mort mais le verbe «  abréger »…
Q6 : Pourquoi à votre avis ?
Andromaque utilise ces figures de style pour atténuer la violence de l’annonce de son suicide à Céphise.
La règle de la bienséance dans la tragédie classique qui veut que toute violence reste en dehors de la scène.
Grammaire : Pour chacune des occurrences du mot «  en » dans cet extrait, indiquez s’il s’agit d’une préposition ou d’un pronom.
Pronom
Préposition
1.      « s’en déclare » : désigne Astyanax
2.      « m’en reposer » : désigne la protection d’Astyanax
3.      « m’en repose » : désigne le « courroux des Grecs »
1.      «  en elle »
2.      «  en m’épousant »
3.      «  en recevant »

Texte écho :
1.      Pourquoi Hermione n’accepte-t-elle pas la proposition d’Oreste ?
Pour venger Hermione, Oreste propose de lancer une guerre contre Pyrrhus. Elle refuse car la proposition d’Oreste serait « une lente vengeance » alors qu’elle souhaite une action rapide «  mais si vous me vengez, vengez-moi dans une heure ».
2.      Pourquoi Oreste hésite-t-il devant la demande d’Hermione ?
Oreste hésite car Pyrrhus est un roi grec : Le tuer serait un acte de haute trahison et aurait des conséquences graves.
3.      Comment s’exprime la tension entre les personnages ?
La tension s’exprime dans l’enchaînement rapide des répliques de vers…. (Oreste utilise des phrases interrogatives courtes «  Qui ? », « Pyrrhus, Madame ? » qui montrent sa surprise.
Au contraire, Hermione apparaît comme dominatrice : Elle écarte les hésitations d’Oreste par des interjections «  Hé quoi ? », « Ah ! » et l’interrogation «  Votre haine chancelle ? ». Elle donne des ordres en utilisant l’impératif «  courez », «  craignez » et « n’alléguez point » et refuse à la fin toute contestation de la part d’Oreste «  Et ce n’est pas à vous à le justifier ».
4.      Hermione vous semble-t-elle héroïque ?
Hermione ne correspond pas aux caractéristiques du héros tragique qui doit être moral, vertueux et défendre le bien et la justice. Au contraire, elle ordonne un meurtre par vengeance personnelle et non pour des raisons morales ou justes.

5.      De quelles manières s’oppose-t-elle au personnage d’Andromaque ?
-          Hermione s’oppose à Andromaque car elle n’est pas une héroïne positive.
1.      Andromaque choisit de se suicider pour ne pas provoquer le malheur des autres : son fils sera protégé par Pyrrhus. Au contraire, Hermione choisit de tuer Pyrrhus pour se venger : Au suicide s’oppose le meurtre, comme solution au dilemme tragique.
2.      Hermione cherche à provoquer non seulement la mort de Pyrrhus mais aussi le malheur de toute la région : « Je veux qu’à mon départ toute l’Épire pleure ». Elle s’oppose à Andromaque qui refuse de rester mariée à Pyrrhus pour être fidèle à son époux Hector et au peuple troyen : «  Et que de tant de morts réveillant la douleur, / le soin de mon repos me fit troubler le leur ? »

Vers le commentaire :
Problématique : En quoi Andromaque se montre-t-elle à la hauteur d’une héroïne tragique ?
Vous commenterez le texte de Jean Racine.

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